Lívia Ághová, Marta Beňačková, Ivan Kusnjer, Peter Straka, Tschechische Philharmonie and Gerd Albrecht - Janáček: Osud (2016)

Voilà bien un opéra à ne pas laisser entre les mains d’éventuels dépressifs : Osud de Janáček, Osud signifiant à la fois « sort » et « destinée ». L’ouvrage, commencé en 1903 à la mort de la fille du compositeur, ne fut achevé qu’en 1907 mais rejeté par les théâtres de Brno puis de Prague. La première audition, en version de concert, dut attendre 1934, la création scénique 1958, trente ans après la disparition du compositeur. Dans ce drame, il est question d’un compositeur amoureux d’une jeune femme – qui est enceinte de ses œuvres, au passage – dont la mère refuse le mariage. Bon, quelques années et un acte plus tard, ils sont quand même réunis mais la mère acariâtre vit avec eux sous le même toit, catastrophe. La mère finit par perdre la tête, tente de détruire le dernier opéra du compositeur, puis se jette par la fenêtre – sa fille, qui tente de la sauver, tombe avec elle. Mort subite. Troisième acte, l’opéra – encore inachevé – du compositeur va enfin être joué, mais tourmenté par les remords et les regrets, il s’écroule, mort lui aussi. Son ouvrage restera entre les mains de Dieu… Un sujet terrible, que Janáček traite à sa manière ; en 1907, son style est en cours de développement définitif, et sa griffe est déjà reconnaissable entre mille, avec les ostinatos, les hurlements instrumentaux, les ritournelles obsessionnelles. L’enregistrement, réalisé en direct et en public en 1995, rassemble une belle brochette de chanteurs tchèques autour de Gerd Albrecht et la superbe Philharmonie Tchèque. Certes, ce n’est pas l’opéra le plus célèbre de Janáček, mais c’est déjà un chef-d’œuvre pleinement abouti, que l’on aimerait voir plus souvent sur scène.