Roland Pidoux, Jean Hubeau - Saint-Saëns: Cello Sonatas (1993) CD-Rip

Sains-Saens se méfiait par dessus tout de l'esprit romantique et opta dès ses débuts pour un style néoclassique dépersonnalisé, dans lequel son "ego" était banni. c'est ce qui fait généralement juger cette musique froide et un peu creuse, jugement qui n'est pas faux mais mérite d'être mesuré. De fait, si on le situe par rapport à son époque, ses thèmes sont des 'portits de thèmes'. Ils ressemblent extérieurement aux thèmes romantiques, mais toute fièvre en est exclue.
Cette attitude ne fera que s'amplifier avec l'âge, le très conservateur Saint-Saëns entrant en conflit aigu avec les novateurs (à la notable exception de Liszt). IL mènera une campagne anti-wagnérienne d'une insigne maladresse et retardera son départ en vacances pour venir siffler 'Pelléas'. La conséquence est que ses œuvres tardives cristallisent en quelque sorte sa tendance conservatrice et hiératique.
Cette caractéristique du thème de saint-Saens fait qu'il se prête assez peu au développement, art qui apparaît au mieux académique et au pire du rabâchage.
La première sonate est une réussite précisément parce qu'elle est relativement concise (20 minutes). Elle est composée en trois mouvements selon le schéma classique, le mouvement central refusant de s'alanguir mais commençant par une sorte de 'staccato ostinato', élément A d'une forme ABA sans grande surprise.
La deuxième sonate, plus tardive, est à mon sens moins réussie car plus développée. Comme nous l'avons expliqué ci-dessus, elle a tendance à tourner un peu en rond. Cela n'exclut pas l'incontestable maîtrise dans l'écriture, qui fait de cette sonate une œuvre non négligeable dans le panorama de la musique de chambre française. Elle dure plus de 30 minutes.
Les trois pièces de genre sont des bluettes d'une grande qualité d'expression, on s'en doute.
Servis par une bonne prise de son (probablement 'remastérisée'), Roland Pidoux et Jean Hubeau sont, on s'en doute, les interprètes idéeaux de ces œuvres pour violoncelle et piano, dont ils expriment parfaitement le style particulier. On sait le rôle éminent joué par Jean Hubeau dans la "défense et illustration" de la musique française pour piano, et particulièrement de la musique de chambre. C'est une interprétation à mon sens inégalée.
Sans être une priorité absolue, il s'agit là d'un excellent disque de musique de chambre de Saint Saens que l'amateur n'aura aucun mal à compléter avec les sonates pour violon et piano (où également la première me paraît supérieure à la seconde) et les sonates pour vent et piano.