Carole Boyd & Zeb Soanes - Walton: Façade (2017) [Hi-Res]

C’est avec Façade que le jeune William Walton fit son entrée fracassante sur la scène musicale mondiale, qu’il ne devait jamais plus quitter tout en restant toujours assez éloigné des ors et des honneurs. En 1922, il s’était saisi de certains poèmes « absurdes » d’Edith Sitwell pour les mettre en musique, mais d’une manière particulièrement originale : le narrateur ne chante pas, mais il doit très précisément narrer les poèmes sur des rythmes extrêmement précis. C’est donc une forme de « sprechgesang » sans le « gesang », si l’on veut. Les points communs avec Pierrot lunaire de Schönberg ne s’arrêtent pas à une certaine vision nouvelle de l’art vocal : Façade fait aussi appel à un tout petit ensemble instrumental de six personnes, mais Walton, par contre, ne fait absolument pas dans l’atonal et encore moins dans le dodécaphonique, et sa partition reste résolument tonale. On pourrait être tenté de voir nombre de parallélismes avec le Weill de L’Opéra de quat’sous, si ce n’est que l’Opéra en question date de 1928… Autrement dit, si possible influence il y a, ce serait de Walton vers Weill ! Façade est un immense coup de génie, qui n’exige pas nécessairement que l’on parle couramment anglais pour le goûter, car même le plus chevronné anglophone aura parfois du mal à suivre la narration extrêmement rapide, quasi instrumentale, sans oublier que Sitwell a considérablement joué d’absurde dans ses poèmes. On précise que l’enregistrement restitue l’ultime version de l’ouvrage, car Walton l’a longuement ciselé au cours des années avant de se déclarer satisfait. Deux narrateurs se partagent ici la vedette, Carole Boyd et Zeb Soanes. Et comme Façade n’est pas très long, l’album se termine avec une interview d’Edith Sitwell en personne, réalisée en 1955 : une drôlerie épatante, l’art de l’auto-dérision et pourtant d’une insondable profondeur. Là, par contre, il faut vraiment bien comprendre l’Anglais.