André Charlet - Gounod: Requiem, Messe No. 2 (1993)

On ne fait pas plus désolé que le chromatisme à l'orgue qui ouvre ce Requiem, avant que les chœurs n'en reprennent la lente progression en demi-tons qui, cette fois, montent et se poursuivront tout au long de l'œuvre. Enregistrée en 1993, cette version originale - quatre solistes, chœurs, harpe, orgue, quatuor à cordes - contraste, par son intimisme et sa discrétion avec les prodigieux déferlements de Mors et Vita, laissant apprécier la rare plénitude de l'inspiration musicale portée par la rare fougue de tous les interprètes, notamment dans le Dies Irae, dont on dirait les phrases mordues, tant elles sont scandées avec conviction; mais on goûte avec le même bonheur la tendre sérénité d'un fragile et délicat Benedictus, d'autant plus émouvant que Gounod mourut tandis qu'il l'écrivait, ou d'un merveilleux Recordare, comparable au In Paradisum de Fauré. André Charlet mène avec efficacité un ensemble d'où ressort la belle complicité des chanteurs et des musiciens. Pour la Messe n°2, c'est la Chorale du Bassus qui délivre harmonies audacieuses et rythmes inattendus, jusqu'à un O Salutaris chanté sotto voce et un Agnus Dei tout en fine dentelle, à fleur de lèvres. Cinquante-cinq voix d'hommes qui soulèvent à peine le silence : fabuleux. (Danielle Porte)