Stephan Oliva - Ghosts of Bernard Herrmann (2007)
BAND/ARTIST: Stephan Oliva
- Title: Ghosts of Bernard Herrmann
- Year Of Release: 2007
- Label: Illusions
- Genre: Contemporary Jazz
- Quality: FLAC (tracks+.cue, log, Artwork)
- Total Time: 51:13
- Total Size: 166.2 MB
- WebSite: Album Preview
Tracklist:
01. Nocturne/Andante Cantabile (4:52)
02. Journey to the Center of the Earth - Suite (4:10)
03. Radar/Space Control (1:36)
04. Prelude (1:47)
05. Vertigo - Suite (12:57)
06. The Birthday (4:01)
07. Psycho - Suite (7:44)
08. Prelude/The Road/The Bedroom (5:00)
09. Memory Waltz (2:23)
10. Ouverture/Xanadu (3:49)
11. All the Animals Come Out at Night (2:54)
01. Nocturne/Andante Cantabile (4:52)
02. Journey to the Center of the Earth - Suite (4:10)
03. Radar/Space Control (1:36)
04. Prelude (1:47)
05. Vertigo - Suite (12:57)
06. The Birthday (4:01)
07. Psycho - Suite (7:44)
08. Prelude/The Road/The Bedroom (5:00)
09. Memory Waltz (2:23)
10. Ouverture/Xanadu (3:49)
11. All the Animals Come Out at Night (2:54)
Lorsqu’un grand pianiste, Stéphan Oliva, reprend en solo les morceaux d’un grand compositeur/chef d’orchestre, Bernard Herrmann, cela débouche sans surprise sur un grand disque, jusqu’au vertige.
D’abord, éviter d’enfoncer une porte ouverte par inadvertance. Bernard Herrmann, né en 1911 et décédé d’une crise cardiaque en 1975, juste après avoir achevé la superbe partition de Taxi Driver de Martin Scorsese, n’a pas révolutionné de fond en comble la musique de film, au contraire par exemple d’Ennio Morricone. Classique jusqu’au bout de sa baguette survoltée de chef d’orchestre, le compositeur est resté attaché toute sa carrière à la sacro-sainte loi hollywoodienne du synchronisme musical, qui établit une relation de cause à effet directe entre musique et plan. Selon Bernard Herrmann, la musique n’a pas vocation à s’échapper de la trame dominante du film, elle se doit plutôt de souligner, amplifier, dramatiser ou relativiser ce qui est montré à l’écran. De fait, le recours au thématisme mélodique et au leitmotiv n’est nullement abandonné dans ses compositions, mais réinvesti à l’aune d’une singularité et d’une inventivité rarement prises en défaut (Herrmann fut notamment un des premiers à utiliser un orgue électronique pour Journey of the Center of the Earth ou à incorporer des bruitages au sein d’une partition, comme dans The Birds). Car loin de nous ici, malgré ces quelques précautions liminaires, de minimiser l’importance du compositeur américain, ce disciple de Maurice Ravel, Richard Wagner et Igor Stravinsky (dixit Truffaut) éminemment doué pour exploiter toutes les ressources expressives des masses orchestrales, combiner des associations instrumentales peu académiques et façonner des mélodies entêtantes que certaines images inoubliables porteront à jamais comme une ombre sublime.
Ensuite, redire que l’intérêt de Stéphan Oliva pour le cinéma en général, et pour l’oeuvre de Bernard Herrmann en particulier, ne date pas d’aujourd’hui. Déjà avec Films (un album enregistré en 1997 dans le cadre de la série jazz’n (e)motion), seul au piano, il livrait treize interprétations de thèmes célèbres dévolus au cinéma, parmi lesquels une magnifique version de Vertigo, une musique qu’il appréhendait à l’époque comme « un rêve dont on essaierait de se souvenir avant qu’il nous échappe ». Dix ans plus tard, Stéphan Oliva a acquis une sensibilité dans le phrasé et une majesté dans l’improvisation qui en font un des pianistes majeurs de sa génération (on rappelle aux têtes en l’air qu’il est à l’origine d’un des plus beaux albums de l’année dernière, Miroirs), et ce n’est pas sa nouvelle variation autour de Vertigo qui viendra nous contredire : une suite de près de treize minutes, intense montage de sensations, d’émotions et d’évocations diffuses. Quand on sait par ailleurs qu’Oliva donne régulièrement une conférence sur la musique du célèbre compositeur, on comprend dès lors pourquoi le producteur, ami et cinéphile Philippe Ghielmetti lui a proposé « de faire un disque sur Herrmann » – un nouveau projet totalement cohérent par rapport au précédent réalisé dans le cadre du label Minium, où il s’agissait déjà de reprendre des standards en les conjuguant aux puissances de l’imaginaire et de l’indicible.
Comme son titre l’indique, Gosts Of Bernard Herrmann est un album hanté. Par des images qui remuent encore de vivaces souvenirs à leur surface, déplient leurs formes à l’infini, alimentent le désir comme l’angoisse. Parmi les oeuvres cinématographiques choisies par Philippe Ghielmetti et Stéphan Oliva, on remarquera d’ailleurs la prédominance de films sombres et angoissants (Obsession et Sisters de Brian de Palma, Pyscho et Vertigo de Hitchcock, Citizen Kane d’Orson Welles, Fahrenheit 451 de François Truffaut, Taxi Driver de Martin Scorsese). Auxquels s’ajoutent deux films de SF désuète et vaguement politique (The Day the Earth Stood Still de Robert Wise et Journey of the Center of the Earth de Henry Levin), ainsi que deux longs métrages se rapportant au genre du fantastique romantique (The Ghost and Mrs Muir de Joseph Leo Mankiewicz et The Snows of Kilimanjaro de Henry King). Soit un ensemble de films admirables marqués au sceau du fantasme et de l’onirisme, manière de poser un premier cadre propice à une méditation sur ce qui sera moins le souvenir que le fantômatique. Gosts Of Bernard Herrmann est un album de revenants, inquiété de toutes parts, empli de notes qui reviennent de loin, obsédantes. Des notes qui prennent à la gorge, crient leur peine, hantent nos nuits cinéphiliques, délivrent nos croyances, languissent de ranimer la fiction qui leur a donné jour.
Second cadre, matériel : le piano. Touches blanches, touches noires. Entre les deux, un écart à combler, une vie à raconter, une histoire à susurrer, du bout des doigts, celle de Elle (la musique) et Lui. Deux couleurs pour faire oublier les grands orchestres, faire parler le silence, rendre hommage, se perdre, imaginer, transmettre, partager. L’art de Bernard Herrmann perdure dans le fond, se poétise dans la forme. On pourra de prime abord être étonné d’entendre Stéphan Oliva opter à son tour pour un synchronisme musique/images-souvenirs. Les graves qui terrorisent, les aigus qui tremblent. Comme si le jeu (le Je) devait d’abord se caler sur la partition écrite par la mémoire, les doigts transcrire les émotions avec un mimétisme troublant (cf. la retenue dans le toucher de “Memory Waltz”, tiré de The Snows of Kilimanjaro, qui donne à entendre littéralement des flocons de neige mémoriels, que l’on dirait tout droit sortis d’un film d’Alain Resnais, se déposant délicatement sur le clavier). Mais, très vite, les fantasmes viennent à rôder et dansent avec les fantômes, rameutant d’autres images comme une amante infidèle, des images de soi. On ne badine pas avec les souvenirs que le temps déforme et « qui ne doivent pas tant rendre compte du passé que décrire précisément le lieu où le chercheur en prit possession » (Walter Benjamin). Stéphan Oliva refait les films, refait son film. Et de cette fouille intérieure, le pianiste extrait moins une forme de nostalgie anémique, qu’il ne figure son propre cheminement au travers de récits recomposés dans lesquels il travaille à se défaire du passé. Vertige de la musique qui convoque les morts pour mieux nous renseigner sur la marche des vivants.
D’abord, éviter d’enfoncer une porte ouverte par inadvertance. Bernard Herrmann, né en 1911 et décédé d’une crise cardiaque en 1975, juste après avoir achevé la superbe partition de Taxi Driver de Martin Scorsese, n’a pas révolutionné de fond en comble la musique de film, au contraire par exemple d’Ennio Morricone. Classique jusqu’au bout de sa baguette survoltée de chef d’orchestre, le compositeur est resté attaché toute sa carrière à la sacro-sainte loi hollywoodienne du synchronisme musical, qui établit une relation de cause à effet directe entre musique et plan. Selon Bernard Herrmann, la musique n’a pas vocation à s’échapper de la trame dominante du film, elle se doit plutôt de souligner, amplifier, dramatiser ou relativiser ce qui est montré à l’écran. De fait, le recours au thématisme mélodique et au leitmotiv n’est nullement abandonné dans ses compositions, mais réinvesti à l’aune d’une singularité et d’une inventivité rarement prises en défaut (Herrmann fut notamment un des premiers à utiliser un orgue électronique pour Journey of the Center of the Earth ou à incorporer des bruitages au sein d’une partition, comme dans The Birds). Car loin de nous ici, malgré ces quelques précautions liminaires, de minimiser l’importance du compositeur américain, ce disciple de Maurice Ravel, Richard Wagner et Igor Stravinsky (dixit Truffaut) éminemment doué pour exploiter toutes les ressources expressives des masses orchestrales, combiner des associations instrumentales peu académiques et façonner des mélodies entêtantes que certaines images inoubliables porteront à jamais comme une ombre sublime.
Ensuite, redire que l’intérêt de Stéphan Oliva pour le cinéma en général, et pour l’oeuvre de Bernard Herrmann en particulier, ne date pas d’aujourd’hui. Déjà avec Films (un album enregistré en 1997 dans le cadre de la série jazz’n (e)motion), seul au piano, il livrait treize interprétations de thèmes célèbres dévolus au cinéma, parmi lesquels une magnifique version de Vertigo, une musique qu’il appréhendait à l’époque comme « un rêve dont on essaierait de se souvenir avant qu’il nous échappe ». Dix ans plus tard, Stéphan Oliva a acquis une sensibilité dans le phrasé et une majesté dans l’improvisation qui en font un des pianistes majeurs de sa génération (on rappelle aux têtes en l’air qu’il est à l’origine d’un des plus beaux albums de l’année dernière, Miroirs), et ce n’est pas sa nouvelle variation autour de Vertigo qui viendra nous contredire : une suite de près de treize minutes, intense montage de sensations, d’émotions et d’évocations diffuses. Quand on sait par ailleurs qu’Oliva donne régulièrement une conférence sur la musique du célèbre compositeur, on comprend dès lors pourquoi le producteur, ami et cinéphile Philippe Ghielmetti lui a proposé « de faire un disque sur Herrmann » – un nouveau projet totalement cohérent par rapport au précédent réalisé dans le cadre du label Minium, où il s’agissait déjà de reprendre des standards en les conjuguant aux puissances de l’imaginaire et de l’indicible.
Comme son titre l’indique, Gosts Of Bernard Herrmann est un album hanté. Par des images qui remuent encore de vivaces souvenirs à leur surface, déplient leurs formes à l’infini, alimentent le désir comme l’angoisse. Parmi les oeuvres cinématographiques choisies par Philippe Ghielmetti et Stéphan Oliva, on remarquera d’ailleurs la prédominance de films sombres et angoissants (Obsession et Sisters de Brian de Palma, Pyscho et Vertigo de Hitchcock, Citizen Kane d’Orson Welles, Fahrenheit 451 de François Truffaut, Taxi Driver de Martin Scorsese). Auxquels s’ajoutent deux films de SF désuète et vaguement politique (The Day the Earth Stood Still de Robert Wise et Journey of the Center of the Earth de Henry Levin), ainsi que deux longs métrages se rapportant au genre du fantastique romantique (The Ghost and Mrs Muir de Joseph Leo Mankiewicz et The Snows of Kilimanjaro de Henry King). Soit un ensemble de films admirables marqués au sceau du fantasme et de l’onirisme, manière de poser un premier cadre propice à une méditation sur ce qui sera moins le souvenir que le fantômatique. Gosts Of Bernard Herrmann est un album de revenants, inquiété de toutes parts, empli de notes qui reviennent de loin, obsédantes. Des notes qui prennent à la gorge, crient leur peine, hantent nos nuits cinéphiliques, délivrent nos croyances, languissent de ranimer la fiction qui leur a donné jour.
Second cadre, matériel : le piano. Touches blanches, touches noires. Entre les deux, un écart à combler, une vie à raconter, une histoire à susurrer, du bout des doigts, celle de Elle (la musique) et Lui. Deux couleurs pour faire oublier les grands orchestres, faire parler le silence, rendre hommage, se perdre, imaginer, transmettre, partager. L’art de Bernard Herrmann perdure dans le fond, se poétise dans la forme. On pourra de prime abord être étonné d’entendre Stéphan Oliva opter à son tour pour un synchronisme musique/images-souvenirs. Les graves qui terrorisent, les aigus qui tremblent. Comme si le jeu (le Je) devait d’abord se caler sur la partition écrite par la mémoire, les doigts transcrire les émotions avec un mimétisme troublant (cf. la retenue dans le toucher de “Memory Waltz”, tiré de The Snows of Kilimanjaro, qui donne à entendre littéralement des flocons de neige mémoriels, que l’on dirait tout droit sortis d’un film d’Alain Resnais, se déposant délicatement sur le clavier). Mais, très vite, les fantasmes viennent à rôder et dansent avec les fantômes, rameutant d’autres images comme une amante infidèle, des images de soi. On ne badine pas avec les souvenirs que le temps déforme et « qui ne doivent pas tant rendre compte du passé que décrire précisément le lieu où le chercheur en prit possession » (Walter Benjamin). Stéphan Oliva refait les films, refait son film. Et de cette fouille intérieure, le pianiste extrait moins une forme de nostalgie anémique, qu’il ne figure son propre cheminement au travers de récits recomposés dans lesquels il travaille à se défaire du passé. Vertige de la musique qui convoque les morts pour mieux nous renseigner sur la marche des vivants.
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