André Isoir - J.S. Bach: Sonates en trio, BWV 525-530 (2019)

« Bach les écrivit pour son fils aîné Wilhelm Friedemann. C’est en les étudiant que Friedemann se préparait à devenir le grand organiste que je connus par la suite. Il est impossible de vanter les mérites de ces sonates […], on peut les considérer comme étant le chef-d’oeuvre en ce genre. » (Johann Nikolaus Forkel, 1802). Chef-d’oeuvre, et comment ! Mais d’un « genre » éphémère. Personne avant Bach ne s’était risqué à recadrer si méthodiquement, pour l’orgue, les figures et les volutes d’une sonate en trio pour deux violons et continuo. Résolue dans une collection de six sonates idéalement variées, l’équation n’a pas fait école. Aujourd’hui encore, les organistes ne se pressent pas pour les programmer en concert. Pourtant tous y passent pendant les années d’étude, dans la lignée du jeune Friedemann. Son père l’avait gâté. Pour l’indépendance des mains (question d’écoute plus que de mécanique) : quinze Inventions à deux voix. Plus une troisième dans quinze Sinfonias, propre à stimuler, « par-dessus tout, un jeu cantabile, tout cela en contractant un avant-goût sûr de la composition » (Bach dans la préface). Ce double enseignement du jeu et de l’écriture se retrouve au coeur des six Sonates BWV 525-530. Le brillant Friedemann pouvait tout à la fois affiner l’indépendance de ses mains et des pieds, dessinant souvent des idées différentes (haute voltige, pas un instant de répit), et observer les ressorts d’un tout autre style d’écriture, le concerto. Sans orchestre, certes, pour trois parties seulement, mais concerto par l’alternance de ritournelles et de solos que les Italiens avaient inventée dans les années 1710. Presque tous les mouvements rapides des six sonates y recourent. Sonates pour orgue ? Titre d’usage. Bach sur son autographe, splendidement copié, évoque le « clavicorde à pédale » et le « clavecin à pédale ». Une interprétation à deux clavecins y fait écho dans cet Indispensable, et deux lectures chambristes nous montrent avec quelle évidence et quelle exubérance l’écriture de ses sonates « compressées » à l’orgue peut se redéployer. (Gaëtan Naulleau)