Saez - J'accuse (Extraits) (2010) Lossless

Il faut bien parler de l’affiche, avant, cette iconographie refusée par les professionnels de la profession de la publicité et que l’on retrouve ici en illustration du recto d’un sixième album studio (tous exercices confondus, et y compris la précédente livraison sous le nom de Yellow Tricycle, sachant qu’ici, l’une des chansons s’intitule « Tricycle jaune » et espérons que vous suivez) de Damien Saez. Dénonciation, poésie surréaliste, provocation, voire les trois n’ont manifestement pas séduit les ciseaux de la censure qui s’est même peu arrêtée à l’identité du signataire du cliché, un certain Jean-Baptiste Mondino. Pourtant « Si la photo est bonne » fredonnait Barbara en un temps où l’on chantait encore debout... Bien, intéressons-nous maintenant à l’intitulé du disque : en écho à l’apostrophe d’Émile Zola à Félix Faure, le chanteur savoyard prendrait-il à témoin notre Président de la République ? Et avec quels arguments, encore ?

L’album débute par un tour de force a capella : « Les Anarchitectures » et ses maisons et époque sans âme précèdent l’explosion de guitares sous influence Noir Désir (« Pilule ») – voilà, c’est dit - et le cisaillage de la nostalgie à grandes lames de guitares (Y’a une époque on écoutait The Clash in « Cigarette »). Dès ce troisième volet d’un programme qui comprend quatorze pièces (alors que la chanson aux couleurs très rock « Police », jadis disponible en téléchargement et annoncée comme avant-garde de J’Accuse a disparu de la sélection), la cause (close combat ?) est entendue : Saez offre un album pour aller foutre sur la gueule à l’injustice et pour accueillir à grands coups de pompes l’inique et l’arbitraire.

C’est un peu vulgaire dis comme cela mais ça soulage et permet de remettre la société de consommation (« Des p’tits sous ») au mitan du combat. Les affres qui contribuent à nous construire sont également évoquées (« Les Cours des lycées ») et la femme (et en particulier « Lula ») reste l’axe majeur des plaisirs et souffrances, et, partant, de l’inspiration du chanteur. Pour le reste, lorsqu’on est pauvre, malade et sans emploi, reste le plus souvent simplement le cri et Saez le rappelle à chaque refrain. C’est sa grande force de tout porter (à commencer par les quelques réserves quant à sa voix disons, particulière) par une énergie et une conviction (la chanson-titre par ailleurs premier single extrait du menu) dont on n’a plus aucun exemple - on pèse nos mots - dans l’univers policé de la chanson francophone. On ne peut évacuer cette dimension de l’expression de l’artiste d’un simple haussement d’épaules. Le problème n’est pas que le créateur de « Jeune et con » fasse dans la chanson contestataire, la douleur reste qu’il est désormais, à ce niveau de renommée, le seul dans ce cas.

Donc, l’affiche, disions-nous : étiquette commode, apparence pratique qui permet de dissimuler la substantifique moelle, la profondeur de l’inspiration. Et kolossale hypocrisie d’annonceurs qui n’ont pas attendu Saez pour vendre des pâtes (ou des brocolis) en exhibant des culs. Et la prise à témoin des plus hauts responsables de l’État ? Mais, ma bonne dame, ne rêvons pas : si aujourd’hui plus personne ne lit La Princesse de Clèves, pensez, les textes des chansons !